Ci dessous figure l'intégralité de ma lettre au président Thomas Le Monnyer et les questions que je souhaitais poser aux experts du collège principal. Mais avant, quelques commentaires:
Sans beaucoup m’avancer, je crois pouvoir dire que la thèse du
mélange accidentel d’un dérivé chloré avec du nitrate d’ammonium est
morte aujourd’hui 4 juin 2009.
J'ai comme beaucoup d'autres inlassablement
recherché pendant sept ans une explication crédible à la catastrophe d’AZF; en vain.
C’est bien difficile de l'admettre mais cette explication, nous ne
l’aurons sans doute jamais...et reviennent à ma mémoire les propos du policier Jean-Pierre Bellaval qui m'avait dit en 2002 "La vérité? vous ne la connaitrez pas avant dix ans!"
Malgré ce fiasco, un fait émerge: mon
enquête aura peut être permis d’éviter qu’un innocent, Serge Biechlin,
le directeur d’AZF, soit injustement condamné. Quant à la
responsabilité de Grande Paroisse, personne morale, quelles que soient
les causes du désastre, sa responsabilité est engagée, et au delà,
celle de Total, propriétaire du site.
Peu avant l’ouverture de l’audience du 4 juin, j’ai
adressé au président Le
Monnyer la lettre ci dessous. Le président a bien voulu poser aux experts les questions qu'elle contient; ils y ont répondu de façon… évasive.
Lettre au président Thomas Le Monnyer
Toulouse le 04 juin 2009
Objet : AZF ; questions aux experts
Monsieur le Président
En tant que partie civile constituée au cours de l’instruction sur la catastrophe d’AZF, mais ne disposant pas du concours d’un avocat, je souhaite par la présente attirer votre attention sur les points suivants et vous transmettre quelques questions qu’il me paraît utile de poser aux experts du collège principal.
Dans leur rapport final, les experts ont retenu l’hypothèse selon laquelle les dents du chouleur Caterpillar se trouvaient sous la lame racleuse du godet et non au dessus comme l’ont indiqué Georges Paillas et Bernard Ezpeleta (société Bergerat-Monnoyer); la position retenue aurait permis que subsiste dans le box du hangar 221 une "semelle" de nitrates épaisse de 2 cm environ. Questions :
- Quels sont les éléments du dossier de l’instruction qui vous ont permis de privilégier cette position ?
- Dans l’hypothèse où la position des dents du chouleur correspondrait
aux déclarations des témoins, la semelle de NA aurait-elle pu subsister
sur la dalle du box après raclage?
- En l’absence de cette semelle, le tir 24 serait-il reproductible?
Autre point déjà évoqué dans ma lettre du 2 juin: Selon les experts Gilles Fauré aurait pelleté le contenu d’un GRVS de nitrate d’ammonium industriel “explosible” (NAI) dans une benne blanche.
Gilles Fauré avait cependant déclaré au magistrat instructeur le 24 octobre 2002 : « Ce sac, je le vois encore. Il est désormais ancré dans mon esprit. Il y avait une seule anse et sur le sac il était inscrit « ammonitrate » en noir. » Le juge lui avait alors fait remarquer que lors d’un précédent interrogatoire à la PJ, il avait admis que l’inscription était « peut-être » bleue ; Monsieur Fauré persistait pourtant : « Pour moi, c’est certain. Sur le sac il était marqué AMMONITRATE. Ce dont je ne suis pas sûr, c’est peut être la raison de mon hésitation devant les policiers, c’est la couleur de l’écriture sur ce sac. Aujourd’hui avec le recul, je suis beaucoup plus affirmatif. C’était écrit en noir… »
Cependant, à l’appui de leur choix, les experts écrivent page 164 de leur rapport final: « les inscriptions sur les sacs d’ammonitrate sont de couleur verte. » et page 169 «…les marquages en noir sont uniquement apposés sur les GRVS de nitrate d’ammonium (NAI) de 1000 Kg… ».
Ces affirmations avaient conduit le juge Perriquet a écrire page 161 de son ordonnance de renvoi : « …les inscriptions figurant sur les GRVS sont de couleur verte pour ceux de l’ammonitrate et noire pour ceux du nitrate d’ammonium industriel /…/ il doit ainsi être retenu que c’est du NAI contenu dans l’un de ces emballages que Gilles Fauré a pelleté dans la benne /…/ ».
J’ai découvert, en janvier 2009, une photographie de mon confrère Bruno Souillard de La Provence, prise l’après-midi de la catastrophe ; un GRVS de 600kg de NAA imprimé en noir figure en premier plan. Invité le 21 février sur un plateau de France 3 Sud, je découvrais une autre photographie de ce type de GRVS ; prise le 22 septembre 2001 aux abords du cratère par Nicolas Auer, opérateur image de cette chaîne de télévision.
Il me semble aussi avoir entendu dire au cours des débats qu’au moins un GRVS de NAA imprimé en noir figurait dans l’inventaire du hangar 335. Si tel était le cas, ce fait aurait-il pu échapper aux experts ?
Enfin, le 27 mai, j’ai demandé à M. Henri-Noël Presles, à l’issue de sa déposition, si ses expériences NAI/DCCNa/H2O pouvaient, selon lui, être aussi probantes avec NAA/DCCNa/H2O. Devant deux consœurs journalistes, le chercheur du CNRS de Poitiers a clairement manifesté son scepticisme.
Ceci étant, je souhaite que vous puissiez poser à Daniel Van Schendel la question suivante :
- Pourquoi avez-vous vous exclu l’existence de GRVS de NAA sérigraphiés à l’encre noire?
Puis à Daniel Van Schendel et Didier Bergues, s’agissant du tir 24 :
- Humide et au contact du DCCNa, le pH acide du NAI favorise la formation d’acide hypochloreux ; en serait-il de même avec du NAA au pH neutre?
- Par effet de convection, NCL3 monte selon vous à la rencontre du NAI poreux et le pénètre à cœur pour produire un ANFO ; en serait-il de même avec du NAA? Autrement dit : le Tir 24 est-il reproductible avec du NAA en lieux et place du NAI?
Cette seconde question pouvant aussi être posée à Monsieur Presles.
Avec mes remerciements anticipés, veuillez agréer Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments respectueux.
Jean-Christian Tirat
Réponses des experts du collège principal:
“On s’en est tenu aux dires des experts qui ont étudié le parc des engins”
Sauf que j’ai téléphoné ce matin même à la société qui a fourni en
leasing ce chouleur et l’entretenait tous les vendredi. Les dents
étaient au dessus de la lame racleuse, pas en dessous. De plus, pour
éviter que cette lame produise des étincelles en raclant la dalle, son
attaque était constituée d’une sorte de caoutchouc rigide. La “semelle”
des experts est donc une vue de l’esprit déconnectée de la réalité.
Pour ce qui est de la couleur de l’encre du GRVS pelleté par M. Fauré,
la question était capitale afin de savoir s’il avait manipulé du NAI,
comme l’indiquent les experts, ou du NAA comme l’affirme M. Fauré (voir
sur aussi le chapitre "Noir c'est noir". Leur réponse a été édifiante: “Nous avons découvert l’existence de ces
sacs il y à quelques jours, en consultant le site de M. Tirat"…
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